Sandra Ganneval, l'autoédition, le choix de la liberté

"On a toujours besoin d'une blonde sexy en bikini pour vendre une machine à laver", au commencement était le meurtre

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Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant, au terme de l’article L. 122-5 (2è et 3è a), d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. » (art. L. 122-4)

 

© Sandra Ganneval éditions, mars 2014

Tous droits réservés

IBSN  978-1-291-79723-7

 

« (…) Ils croyaient que je m’amusais bien. C’est vrai que poser était parfois amusant. Mais c’était un peu fou : une fois, j’ai demandé pourquoi il fallait poser en maillot de bain pour une publicité de dentifrice, et on m’a regardée comme si j’étais tombée sur la tête. »

Marilyn Monroe, citée par Marie-Magdeleine Lessana, dans « Marilyn, portrait d’une apparition », éditions Bayard, 2005

 

2009

 

La femme leva les yeux vers l’horloge, une structure métallique aux angles aigus, qui jaillissait du mur telle une créature extraterrestre. Elle calcula que cela faisait quarante-deux minutes qu’elle était entrée dans l’appartement de Pélagie.

 

Elle recula d’un pas pour mieux prendre la mesure de ce qu’elle venait d’accomplir. Elle se rendit compte qu’elle avait le souffle court. Son cœur battait au rythme de la course de la trotteuse. Tic, tac, tic, tac. Boum, boum, boum, boum. Elle sourit à cette comparaison. Son front était couvert de sueur. Ses aisselles répandaient une odeur âcre. Sa culotte était humide de transpiration. Pourtant, elle se sentait calme. Ses mains ne tremblaient pas. Elle avait les idées claires. Elle suivait le plan.

 

Bon Dieu, c’était vrai qu’elle était belle, cette Pélagie, ou plutôt cette Flora. Ce prénom à la con, qu’elle avait insisté pour utiliser comme pseudonyme, lui était prédestiné.

 

Comment ses parents avaient-ils pu l’appeler Pélagie ? Cinquante fées s’étaient penchées sur son berceau et lui avaient donné tout ce qu’elles pouvaient. Ses cheveux étaient blonds, épais, soyeux. Elle avait fait de la publicité pour une marque d’après-shampooing. Combien de femmes avaient cru que le lustre de son casque ensoleillé avait quelque chose à voir avec des extraits d’acide de fruits ? Elle avait de grands yeux de biche, gris vert, tachetés de petites paillettes noisette, une anomalie génétique qui les rendait uniques en leur genre. Ils étaient écarquillés, la surprise s’y lisait encore. Des yeux qui faisaient péter les boutons de braguette. Elle adorait ça, exciter les hommes et les laisser sur leur faim.

 

Elle avait prêté ses longues jambes à la promotion de bas. Les seins sur lesquels s’ouvrait le décolleté de son peignoir de soie court étaient sans retouche. Elle savait très bien qu’elle n’en avait besoin pour aucune partie de son anatomie. Très fière d’elle-même, comme toujours, elle lui avait dit qu’on lui avait de nouveau proposé de faire une publicité pour une marque de lingerie avec une caution humanitaire en prime. Elle avait minaudé. Elle hésitait encore. À force de multiplier les activités parallèles, elle craignait qu’on ne lui demande où elle trouvait encore le temps d’écrire. Elle avait ri. Son rire était déplaisant. Il avait quelque chose de vulgaire. C’était certain : elle était prête à accepter cette proposition. Elle aimait trop se montrer pour refuser de satisfaire son goût pour l’exhibitionnisme.

 

Ah ! ne plus entendre ce rire. Enfin.

 

La femme se pencha pour mieux observer Pélagie. D’un geste alerte, elle ramassa le marteau qui avait fait une vilaine marque sur la moquette. Un marteau très ordinaire, acheté dans un magasin de bricolage comme on en trouvait des centaines dans le pays. Elle s’était entraînée à l’utiliser sur des potirons et des pastèques fixés à la bonne hauteur, simulant la tête d’une prétentieuse d’un mètre quatre-vingts. La sensation avait été évidemment bien différente, mais son bras n’avait pas hésité une seconde. Préparé, son geste avait été sûr.

 

Elle avait demandé à une Pélagie surexcitée par un baiser attendu depuis des mois de lui servir un verre. Dès qu’elle lui avait tourné le dos pour se diriger vers le bar, elle avait sorti le marteau de la poche intérieure de sa gabardine, s’était précipitée et avait cogné. Une fois, deux fois, trois fois… elle ne savait plus. Elle avait eu un stupide moment d’absence et était revenue à elle alors que l’autre gisait au sol, l’arrière de son crâne enfoncé. Ses cheveux avaient perdu leur lustre. Elle l’avait retournée du pied. Elle voulait voir son visage, s’assurer qu’il était intact. Elle lui réservait un autre sort. Elle glissa le marteau ensanglanté dans un sac en plastique et le remit à sa place, dans la poche de son manteau. Elle sortit un papier d’une autre poche. Il s’agissait d’une enveloppe pliée en quatre. À l’intérieur, elle avait placé une lame de rasoir. Elle la prit entre ses doigts gantés. Pour cette étape également, elle s’était entraînée… sur des poulets fermiers qu’elle avait tués et plumés de ses propres mains. Leur chair morte était plus résistante que celle des poulets élevés en batterie. Elle fixa le visage de Pélagie. Elle réalisa qu’elle était la dernière personne qui le verrait ainsi. Elle s’agenouilla et commença à dessiner avec sa lame, l’enfonçant dans la peau délicate. Le dessin qu’elle traçait pouvait se contenter d’être superficiel. Le sang perlait et ajoutait à la beauté de l’œuvre. Pélagie ressemblait maintenant à Silam.

 

Lorsqu’elle eut fini, elle ne put s’empêcher de lécher une goutte de sang sur la lame. Elle se sentit honteuse de ce geste. Le goût de fer caractéristique demeura longtemps dans sa bouche. Elle s’immobilisa, une partie d’elle-même, infime, était consciente de la monstruosité de son acte.

 

−  Il y a quelqu’un ? demanda une voix timide.

 

Elle sursauta, faillit lâcher la lame, crispa ses doigts dessus et entailla son gant. Elle eut la vision de son sang se mêlant à celui de Pélagie comme deux murs d’eau se rencontrent. Du rouge devant ses yeux. Elle craignit une seconde absence. L’entrée. Le long couloir. Combien de pas hésitants faudrait-il à l’inconnu pour atteindre le salon ? Elle bougea très vite, se précipita vers la cuisine. La pièce rutilait, affichant le goût immodéré de Pélagie pour l’acier et les couleurs criardes. La femme se glissa dans le cellier et tira doucement la porte vers elle. Si l’homme qui venait d’entrer dans l’appartement pénétrait dans la cuisine, il ne la verrait pas. Si, affolé, il se précipitait dehors pour chercher du secours, et le spectacle se prêtait à cette réaction, elle aurait peut-être la possibilité de s’enfuir. Elle ne bougeait pas, les intestins tordus d’appréhension, priant pour que son soudain besoin de les vider ne se transforme pas en urgence.

 

1984

 

La longue rue était divisée en deux secteurs. L’un était réservé aux Blanches, l’autre, aux Noires. À l’intérieur de chaque secteur, les filles étaient regroupées en fonction de leur pays d’origine. Ainsi les habitués s’y retrouvaient-ils plus facilement. Les clients les plus tordus avaient tendance à se diriger vers les Africaines, vers la zone que les souteneurs appelaient « le carré noir ». Était-ce dû à des relents de colonialisme ? Les souteneurs ne se posaient pas de questions à ce sujet. Ils savaient juste que, parfois, les Blanches pouvaient rapporter plus que les Noires et que, parfois, la donne s’inversait. Tout dépendait de ce que souhaitaient les clients. Les filles qui tapinaient étaient censées faire dans le classique. Pour les demandes spéciales, les clients usaient d’un autre réseau. Mais on ne pouvait pas toujours anticiper les demandes spéciales. Les trois quarts du temps, les filles étaient livrées à elles-mêmes. Droguées pour être dociles et corvéables à merci, elles acceptaient le tout-venant sans faire de tri. Elles avaient perdu leur libre-arbitre. Le risque qu’une passe commence ou se termine mal était toujours présent, surtout pour les colorées. Mais elles n’avaient pas le choix. Il leur fallait rendre des comptes à la fin de la nuit. S’ils étaient mauvais, elles risquaient de se faire tabasser et de se retrouver en manque. Alors, elles s’arrangeaient pour que la nuit soit fructueuse.

 

Les pervers savent passer inaperçus. Ils savent se fondre dans la masse. Sinon, comment trouveraient-ils leur proie ? Comment l’attraperaient-ils ? Comment en jouiraient-ils en toute tranquillité ?

 

L’homme était blanc, de taille moyenne, mais avançait légèrement voûté, une sale habitude de se faire plus petit qu’il n’était datant de son enfance. Il portait un chapeau, profondément enfoncé sur son crâne. Il n’avait pas envie que quelqu’un le reconnaisse. Il se dirigea vers le carré noir en remontant le col de son pardessus. Rien d’étrange là-dedans. Il faisait froid en cette nuit de décembre. Il avait neigé une bonne partie de la journée. Les filles portaient de longs manteaux en fausse fourrure ouverts sur des semi-nudités et des cuissardes. Certaines toussaient. Elles avaient toutes un air hagard. Il s’approcha de celle qui se tenait un peu à l’écart des autres. C’était la plus maigre et la plus sombre du lot à la lumière des réverbères. Son air de parfaite soumission attirait certains clients. On avait l’impression que l’on pouvait faire d’elle ce que l’on voulait. Son regard était presque aussi absent que celui de son futur client. Elle eut un hochement de tête dans sa direction. Il lui emboîta le pas.

 

La chambre était au dernier étage de l’hôtel de passe. Elle était petite, mansardée. Crasseuse. Une lumière maladive éclaira la pièce lorsqu’elle tourna l’interrupteur. Elle referma la porte d’un coup de talon fatigué. Une toile d’araignée habillait un coin du plafond. Elle avait pris l’habitude de l’observer tandis que les clients la besognaient. Elle se demandait ce que cela ferait d’être une araignée, pour de vrai. La journée, quand elle ne dormait pas, elle passait son temps devant des documentaires animaliers. Elle avait appris à laisser son corps sur le fauteuil et à s’introduire en pensée dans l’écran. Elle avait ainsi eu l’illusion de vivre des milliers de vies autres que la sienne. Surtout pas des vies humaines.

 

… L’araignée tisse son fil, sa soie. Les glandes séricigènes produisent cette soie filée par de petites protubérances articulées, les filières, qui sont, le plus souvent, au nombre de six, situées sur la face ventrale plus ou moins à l'extrémité de l'abdomen. La soie est liquide dans les glandes, mais se solidifie en fibrilles une fois sortie par les fusules, sous l'effet de la traction exercée par les pattes de l'animal…

 

Les glandes séricigènes. Séricigènes… Ce mot contenait pour elle un potentiel presque érotique.

 

Elle s’imaginait très bien en araignée géante. Transformée. Quelle pouvait bien être la sensation physique de produire de la soie ? Cela sortait-il de l’araignée à la manière de filets de déjections, vomissures, urines, selles ou bien comme du sperme en secousses irrépressibles, ou, autre possibilité, avec la lente douceur des sécrétions vaginales ? Non, sans doute rien de tout cela. Peut-être que ce serait comme la dose qu’on lui injectait quotidiennement si elle pouvait l’expulser par un canal prévu à cet effet.

 

Elle se déplaçait parfois à la manière d’une araignée, enfin, elle faisait de son mieux pour parvenir à un résultat crédible. Cela lui attirait des coups de la part de Mario et faisait rire les autres filles.

 

Elle arrivait en bout de course. La part d’elle-même qui parvenait encore à réfléchir le savait. Elle était fatiguée, toujours épuisée. Elle parvenait de plus en plus facilement à s’évader en pensée, elle sortait de son corps sans effort. Elle ne se battait plus, elle n’avait plus de haine. Elle n’était même pas sûre de ressentir quelque chose, que ce soit du négatif, du positif ou même une forme d’indifférence.

 

Souvent, elle pensait à ses filles. Elle les imaginait heureuses, sans trop savoir ce qu’elle leur souhaitait exactement. Elle espérait qu’elles n’avaient pas besoin de se glisser dans la carapace d’une araignée rampant sur un plafond pour se sentir libres.

 

Elle était morte depuis longtemps. Était-ce le jour où il avait posé ses mains gluantes de sueur sur elle ? Ou cela datait-il du premier pas qu’elle avait fait sur le sol français ? À l’époque, elle ne savait pas que l’on pouvait être à la fois vivant et totalement mort à l’intérieur, sans pourrir, juste mort et vivant.

 

Elle enleva son manteau, le posa sur une chaise. Elle avala machinalement un des cachets que lui avait donnés Mario. Il ne les laissait jamais en rade de ce genre de douceur. Elle le fit glisser avec sa salive. Elle monta le chauffage. Elle avait toujours froid. Elle parlait rarement aux clients. Elle attendait qu’ils lui demandent ce qu’ils voulaient. Et puis, s’il le fallait, elle reprenait un cachet et faisait ce qu’ils voulaient. À une époque, elle avait trouvé le courage, ou la folie, de résister à Mario. Il lui avait cassé le poignet droit, la jambe gauche et deux dents. Méthodiquement. Elle n’avait plus dit non à rien.

 

L’homme lui demanda de s’allonger. Il le lui demanda gentiment avec des formules de politesse. Il avait une voix rauque, une voix de fumeur. Elle se coucha. Sa voix lui avait donné envie d’une cigarette. Elle commença à fixer la toile d’araignée. Il continuait à parler mais elle ne l’écoutait plus, hochant la tête par réflexe.

 

Il lui attacha les poignets aux barreaux du lit. Il fut surpris de sa docilité ; d’habitude, les filles ne se pliaient pas à ce genre de requête. Ses mains coururent sur son corps maigre. Elle n’avait pas un pouce de graisse et plus d’os que de chair. Sa peau était sèche. Il eut le désir de la posséder, férocement, mais comme d’habitude, il ne se passa rien au-dessous de sa ceinture. Ce qui excitait son esprit n’avait pas le pouvoir qu’il aurait voulu sur son corps. À une époque, il avait essayé. Il avait demandé aux filles de le stimuler. Elles y mettaient du cœur, c’était leur job, après tout. Mais rien, pas l’ombre d’une érection. Ce qui le faisait bander le terrifiait. Lorsque l’une d’elles était penchée ainsi sur son membre flasque, il refermait en pensée ses mains sur son cou et serrait, serrait. À ce moment-là, toutes fières, elles croyaient être parvenues au but. Elles ne savaient pas que c’était de les imaginer mortes, les yeux révulsés, la langue sortant de la bouche tel un vilain serpent noirâtre, qui le faisait jouir. Il les repoussait, s’essuyait vivement et s’enfuyait, à la fois satisfait et frustré. Il avait envie de les frapper mais n’osait pas.

 

Incroyable, réalisa-t-il, la fille s’était endormie. Elle était droguée, cela se voyait. Mécaniquement, elle avait étalé des préservatifs sur la table de chevet. Il tourna autour du lit, l’observant sans y croire. Elle semblait morte. Faire l’amour à une morte, cela faisait partie de ses fantasmes. Rien à craindre d’elle. Pas de jugement, pas de questions. Elle allait juste se laisser faire. Il s’empara d’un oreiller crasseux, le soupesa. Il avait la sensation de flotter, dans un état d’apesanteur. Il plaça l’oreiller sur le visage de la jeune femme, se mit à marmonner pour se donner du courage :

 

−  Ta couleur est ton péché, ta couleur est ton péché, ta couleur est ton péché…

 

Il pesa de tout son poids sur sa tête. Si elle ne mourait pas étouffée, elle mourrait de sa nuque brisée. Réveillée en sursaut, elle se débattit, elle qui croyait n’attendre que cela, la fin de cette vie immonde. Elle tordait ses bras attachés. De ses jambes, elle lançait des bourrades. Et lui, la maintenait, son corps frêle était comme celui d’un papillon retenu par une aile. Il faisait bruire l’air de manière aussi légère. S’il avait été au courant de sa passion pour les araignées, il aurait trouvé une comparaison plus adéquate. Mais ils n’avaient pas eu le temps d’apprendre à se connaître. Il était assis sur son ventre, juste au-dessous de sa poitrine, il sentait ses os, il tenait l’oreiller fermement plaqué, la taie répandait une odeur de moisi. Une goutte de sueur dégoulina le long de son nez.

 

−  Ta couleur est ton péché, ta couleur est ton péché, ta couleur est ton péché…

 

Il chantonnait, maintenant, inconscient de l’effort qu’il était en train de fournir. Dans un instant, ce serait fini, dans un instant. Elle n’avait pas réussi à lui faire mal. Ou alors, il n’avait rien senti. C’était trop bon. Un dernier sursaut. Comme la queue coupée d’un lézard, elle bougea encore, de petits soubresauts, et puis plus rien.

 

Il jouit.

 

Il sentit qu’il pouvait sans crainte s’écarter d’elle. Il ne parvint pas à soulever l’oreiller. Ç’aurait été trop… Il se sentait bien. Pas heureux, non, ce qu’il éprouvait était différent. Le bonheur ne pouvait être qu’un état passager. Il était… disons… satisfait de lui-même. Il ne ressentait aucune culpabilité. Il avait accompli un acte humanitaire. Autant pour elle que pour lui.

 

Inconsciemment, il se tenait plus droit en quittant la pièce, en descendant l’escalier, en longeant les murs pour rejoindre sa voiture. Il n’était pas inquiet. Tant de personnes étaient passées dans cette chambre, tant de mains avaient tenu cet oreiller, il serait bien difficile de retrouver sa trace. Et puis, qui enquêterait avec insistance sur le meurtre d’une petite prostituée, une négresse insignifiante ?

 

 

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29/06/2015
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